En art thérapie, il arrive souvent qu’au lieu des couleurs, le noir envahisse la création d’un patient ; ou alors prenne forme des images terrifiantes, des métaphores qui expriment l’ombre et l’effroi, ou encore la violence, la laideur. Pour l’art thérapie, demeurer dans une présence tranquille dans ces moments-là est essentiel : l’ombre fait partie du processus, elle en est un moment incon
tournable, elle a le pouvoir de se transformer en matrice puissante de création et de réappropriation du soi au fil des séances.
Dans de telles situations, la tentation est grande pour le patient, comme pour le thérapeute qui accompagne la mise en forme de l’objet de création « d’arranger » de positiver le négatif pour parvenir à un résultat harmonieux, pacifié. Emprunter un tel raccourci n’est non seulement pas nécessaire, mais il peut entraver artificiellement la dynamique du processus de transformation via la production d’un objet.
Travailler ensemble à partir d’une production qui exprime la souffrance et le côté sombre du patient demande que le thérapeute l’accompagne telle quelle, qu’il puisse se mettre en sa présence, sans peur, sachant qu’il s’agit d’une expression, d’une mise en forme détournée, métaphorisée de la souffrance.
J’utilise régulièrement des processus autour de l’ombre et de l’accueil des démons intérieurs pour aller à la rencontre des souffrances du patient. Cela me demande d’être une passeuse attentive. Il s’agit d’accueillir ce qu’il se passe à plusieurs niveaux : les formes prises par les productions, d’être présente à ce qui se passe dans la relation, dans les interactions avec les autres participants présents quand il s’agit d’un atelier de groupe, et à ce que cela implique dans mon intériorité. Plus nous luttons contre nos démons intérieurs, plus ils gagnent en force. Il s’agit donc de les reconnaître, les nourrir et de les transformer. Je reviendrai dans un autre article sur ce point.
Traverser les ombres pour trouver le chemin vers la lumière, pouvoir faire des aller-retours, sentir la finesse des transitions dans la matière, relier les éléments qui affectent … C’est un peu comme cheminer dans le labyrinthe intérieur pour modifier la vision du monde du patient, trouver des espaces d’apaisement et de clarté pour l’aider à se transformer.
Sources :
Entre art et thérapie Reflexions partagées Dea Evequoz Walti et Phyllis Wieringa
Nourrir ses démons pour mieux les combattre Tsultrim Allione
Archétype de l’ombre Carl Gustave Jung
Il suffit d’un geste F.Roustang
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